Les thérapies intégratives : une adaptation constante au patient
Dernière mise à jour : 24 juil. 2021
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Il n'est pas toujours facile de savoir quelle type de thérapie choisir. Si les dogmes ont régné sur le monde de la psychologie pendant des décennies, de plus en plus de thérapeutes choisissent de ne pas avoir d'obédience et se forment à plusieurs champs de la thérapie dans un objectif de prise en charge globale du patient.

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Le binôme thérapeutique classique
La pratique des cothérapies a été théorisée sous le vocable de « bifocalité » par Racamier en 1956 pour désigner l’organisation des soins en deux volets : un pôle psychothérapeutique et un pôle de gestion psychiatrique des médicaments et de la réalité concrète. Ce tandem psychiatre-psychothérapeute est monnaie courante.
Un des apports de ce type de cothérapies est de permettre de relativiser la question diagnostique dans le temps. L’association thérapeutique recouvre ainsi des réalités cliniques variables. Selon Duruz, les cliniciens sont amenés, psychiatres ou psychothérapeutes, à reconnaître que face à la complexité du fonctionnement psychique individuel qu’aucune approche thérapeutique ne peut revendiquer une supériorité absolue..
L’approche intégrative
Un thérapeute ou plusieurs?
Alors que l'approche intégrative est généralement pratiquée par un même thérapeute, ce qui pour avantage d'amener un cadre unitaire, il arrive que des personnes suivent deux thérapeutes en même temps pour deux thérapies. Un des thérapeutes aura une approche plus analytique, l'autre plus comportementaliste. Ce procédé ne pose pas de problème particulier à partir du moment où les dispositifs de chacun des partenaires sont clairs et n'empiètent pas sur le travail de l'autre, ce qui peut être difficile à tenir, si les partenaires ne travaillent pas en interrelations. Dans tous les cas, la personne qui consulte doit rester au coeur des dispositifs, en s'assurant que ces prises en charge ne créent pas de confusion et qu'il arrive à sortir une articulation cohérente entre ses différentes prises en charge. Au delà d'un cadre spatial, le cadre est à co-construire entre le psychologue et la personne qui le consulte. Elle dépend de la manière dont le psychologue a amené les choses, de la manière dont ce dernier maitrise les différentes articulations sans créer d’incohérences ni dans son esprit ni dans celui du patient et enfin de la manière dont le patient comprend ces articulations et construit une cohérence de sens sur sa propre histoire, ses symptômes mais aussi sur la ou les différentes prises en charge (par un même thérapeute ou par plusieurs).
L'approche intégrative: une variabilité des modalités d'exercices
"L'approche intégrative renvoie à une pratique plus éclectique du thérapeute des prises en charge, avec l'idée qu'utiliser différents outils et méthodes appartenant au registre de plusieurs orientations thérapeutiques permet d'augmenter l'efficacité de la psychothérapie, par rapport à un processus de changement."
Il ne s'agit pas alors pour le thérapeute de se dire appartenir à la psychanalyse ou aux thérapies cognitives et comportementales, ni même au courant humaniste...mais plutôt de prendre dans chacun des courants ce qui peut lui sembler être pertinent dans face à telle ou telle problématique. Cela nécessite du psychologue une formation pluridisciplinaire avec une connaissance approfondie des principaux modèles en psychothérapie, une capacité à articuler ces différents modèles entre eux mais également avec sa propre créativité. L'approche intégrative va explorer, selon les situations, différentes dimensions du psychisme et ses différentes temporalités, aussi bien biologiques, comportementales, cognItives, affectives...en cherchant à faire la synthèse entre ces différentes composantes, afin qu'elles ne s'opposent pas mais qu'elles soient cohérentes entre elles. C'est l'imprévisibilité des évènements de vie qui surviennent durant la thérapie qui explique notamment que cette approche a une grande utilité car elle permet au thérapeute une plus grande adaptation et un plus grand champ des possibles dans son intervention.
Dans cette approche intégrative, le thérapeute est amené à utiliser des techniques et
méthodes issues de différents cadres de référence qu’il associe, sans nécessairement accepter les fondements théoriques de ces méthodes. Autrement dit, il s’agit d’une théorisation de la pratique centrée sur l’analyse du processus de changement. Cette approche naît du refus de s’enfermer dans une seule orientation théorique et le désir d’apprendre d’autres manières de penser la psychothérapie et le changement (Norcross, Goldfried 1992) pour augmenter l’efficacité et les possibilités d’application de la psychothérapie.
Ceci va de pair avec le point de vue propre de Driscoll (1984) qui se demande « si la centration sur une composante plutôt qu’une autre ne devrait-elle pas se faire en fonction des caractéristiques du patient plutôt que de la formation du thérapeute ? ». Le postulat de base est que chaque individu possède une personnalité originale, riche et complexe dans laquelle interagissent des éléments psychoaffectifs, cognitifs, biologiques...si bien qu’aucune technique ni théorie ne peut répondre à elle seul répondre seule à cette complexité (richesse) des problèmes psychologiques vécus par des individus.
Cependant selon cette approche, il serait faux de penser que l’articulation entre
différents référents de la part d’un même thérapeute est faite de façon anarchique. Elle
nécessite entre autre une formation à la méthode scientifique et au développement de l’esprit
critique, une connaissance approfondie des principaux modèles en psychothérapie et le
bâtissage d’une synthèse cohérente pour favoriser l’articulation en faisant preuve de clarté et
de rigueur (Norcross et al, 1986). Elle nécessite par ailleurs une articulation d’un autre ordre :
celui de l’objectif (connaissances scientifiques) et du subjectif (créativité du thérapeute).
Les thérapeutes intégratifs luttent contre le plaquage systématique d’un courant sur un problème rencontré et demandent davantage de flexibilité de la part du thérapeute pour discerner et accepter la singularité et la richesse propre de chaque individu. Sans rejeter ces modèles, qui sont utiles dans l’appréhension de la réalité, ils ne sauraient être appliqués de façon isolée et systématique. Zazzo explique d’ailleurs : « J’ai toujours tenu les modèles, quels qu’ils soient, pour des êtes suspects : ils ont trop tendance à donner à la réalité des leçons de bonne conduite »
La relation thérapeutique est au cœur de cette optique et semble être un instrument
essentiel de l’intégration par l’adoption d’une attitude de respect, d’intérêt, d’honnêteté et de
véracité dans les rapports thérapeute-patient ainsi que la mise en place d’un environnement
favorable à l’exploration des différentes dimensions du psychisme. Les succès thérapeutiques
seraient inhérents aux caractéristiques du patient et à la qualité de l’alliance thérapeute, qui
sont deux dimensions « trans-théoriques » en psychothérapie. L’idée de la rencontre entre
deux subjectivités est centrale et s’oppose au recours d’une pensée « manualisée ». Le
thérapeute s’adapte et recourt à des méthodes différentes selon les situations en fonction des changements et des événements imprévisibles qui peuvent survenir en cours de thérapie, tout en faisant intervenir sa propre créativité, ses capacités d’improvisation et son intuition, laissant ainsi ouvert le champ des possibles. « Le changement ne peut se produire que si le thérapeute travaille au même niveau de complexité que celui dans lequel a émergé le problème » (Duriez, 2008).
Dans certains cas, ce binôme peut être suffisant mais dans d’autres, il montre ses
limites et la nécessité du travail à plusieurs, sous diverses formes, peut progressivement
s’imposer. Ainsi, d’une bifocalité, nous allons passer à une trifocalité ou une prise en charge multiple sous tendue par diverses approches disponibles dans l’éventail thérapeutique.
Deux points de vue sont à distinguer : l’approche intégrative et l’approche
plurimodale. Globalement, le terme de thérapie intégrative (ou multi référentielle) renvoie aux
pratiques éclectiques d’un même thérapeute ; celui de thérapie multimodale (ou pluri focale)
désigne les cothérapies entre différents spécialistes travaillant de concert et en étroite
articulation.
L’approche multimodale
Au regard de la diversité des symptômes et de la complexité des problèmes rencontrées, cette approche vise à la multiplicité des thérapies, menée chacune par un thérapeute expert dans son champ de référence.
Cela exige la mise en place de dispositifs permettant aux différents partenaires de
mieux se connaître, de mieux communiquer, de mieux s’engager dans l’accompagnement
auprès du patient, de mieux travailler en interrelation selon un modèle coélaboratif, au risque
d’exposer son vécu de thérapeute de la situation aux autres professionnels. Cela permet en
effet de prendre de la distance et d’exercer à plusieurs les capacités de discernement...
Le cadre à co-construire avec les patients, les intervenants et les thérapeutes consiste à
promouvoir un partenariat, ce qui signifie rejeter l’omnipotence d’un partenaire par rapport à
un autre et éviter l’étiquetage systématique du patient selon son cadre de référence. L’intérêt
de cette collaboration réside dans la confrontation des vécus par rapport à la situation
problématique afin de mieux comprendre ce qui est en jeu mais aussi de rechercher des
réponses intra institutionnelles cohérentes. Le vecteur principal et central restant le patient.
Proposer des lieux tiers permet enfin que le patient puisse éventuellement « se dire »
autrement et mieux exprimer ses difficultés.
Les cotherapies peuvent se faire de façon conjointe, séquentielle et successive. Dans
les PEC multiples et conjointes, les rôles thérapeutiques sont à la fois différenciés et mis en
synergie : « chacun peut tenir compte des interférences, mais les domaines ne se confondent
pas. La situation transfert-contre-transfert est explorée et exploitée en psychothérapie. Ce qui
se passe avec les autres intervenants est de l’ordre de transferts latéraux. Le retour au
thérapeute se fait d’autant mieux que le patient sait et sent qu’il n’y a pas concurrence mais
complémentarité » (Kipman, 1982). Par ailleurs, elles peuvent aider dans la résolution
d’impasses thérapeutiques dues au patient ou au thérapeute (ou les deux), à trouver d’autres
manières d’aborder la problématique du patient. Les théories des différentes orientations
thérapeutiques deviennent alors complémentaires et ne s’opposent plus. Il faut « comprendre
qu’il s’agit de niveaux d’analyse différents » (Widlocher, 1999).
Cette pluralité méthodologique engage à une réflexion sur son articulation, ses
avantages et ses limites. Lorsque les aides sont trop nombreuses, le patient peut-il bien les
investir ? L’effort d’investissement n’est-il pas trop couteux ? Cela ne risque-t-il pas de créer
l’abandon ? Nous savons que l’identification claire de la situation est une composante
importante qui va donner du sens. Le patient doit être là à chaque situation différente et s’adapter à elles ce qui peut représenter un effort réel.
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Duriez N. (2008) L’approche intégrative centre sur le problème de William Pinsof. Medecine
et Hygiène. Vol 29 : pp 261-77
Duruz N. (1982) Psychothérapies : une pluralité inquiétante ? Psychothérapies. 2(4): pp 67-
74
Kipman SD. (1982) Psychothérapie et prises en charge multiples. Psychothérapies, 2(4) : pp
199-206
Norcross J.C., et al. (1986) Training integrative eclectic psychotherapists. Int J Ecle
Psychother. 5: pp 71-94
Norcross J.C., Goldfried M.R. (1992) Handbook of psychotherapy integration. New York:
Basic Books
Racamier P.C. (1956) Psychothérapie psychanalytique des psychoses. In. Nacht S, Ed. La
psychanalyse aujourd’hui, vol. 2. Paris : PUF :pp 375-690
Widlocher D (1999) Neurobiologie, cognitivisme et psychanalyse. In Cohen-Solal J., Golse
B, Eds. Au début de la vie psychique. Le développement du petit enfant. Paris : Odile Jacob :
pp 189-202